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Trujillo d'Espagne, cité éponyme de tant d'agglomérations américaines, est un vivier de capitaines qui se sont cruellement illustrés dans la conquête et la colonisation de l'Amérique andine durant tout le XVIe siècle. Au-delà de cette image, la ville vit alors au rythme des liens intenses qu'elle a tissés avec le Nouveau Monde. L'organisation de solides filières de migration, la circulation de l'information, les effets de la mobilité sur les composantes des identités individuelles et collectives, le volume considérable d'or et d'argent qui parvient à ceux qui sont restés, ainsi que les investissements dans la terre et l'immobilier, révèlent l'implication des populations de l'intérieur de la Péninsule dans l'aventure coloniale. Ces liens ont très largement été sous - estimés comme en témoigne l'efficacité des réseaux transatlantiques établis par les grandes familles de la ville : les Pizarro - rapatriés, déchus, mais toujours riches et influents -, les Orellanas ou les Vargas-Carvajal. L'étude du système de relations avec l'outre-mer conduit à s'interroger sur le face à face de ces nouveaux groupes de puissants avec la monarchie castillane. Entre allégeance, service et insoumission, une voie moyenne et ambivalente se dessine, faite de rappels à l'ordre, de coups de semonce et d'un certain laxisme de la Couronne qui sait qu'un semblant de conformité administrative dans les échanges atlantiques n'équivaut pas à un respect de l'esprit des lois.